Paulo Coelho

Stories & Reflections

Vingt ans après: Entre Moscou et Ekaterinbourg

Author: Paulo Coelho

J’arrive au wagon qui me mènera tout au long du transsibérien chargé de livres, pensant avoir beaucoup de temps pendant ces 9 228 kilomètres de voyages en train. Je découvre tout de suite après qu’il m’est impossible de lire ou d’écrire quoi que ce soit í  cause du mouvement et du manque de bons amortisseurs. Tout ce qui me reste í  faire c’est de penser, d’annoter quelques idées lors des arríªts dans les stations.

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Nous faisons partie du ríªve de Dieu, tels les personnages qui peuplent nos ríªves, nous avons une certaine indépendance. Nous ne sommes pas celui qui est en train de ríªver mais nous faisons partie de lui. J’espère qu’il ne fera pas de cauchemars í  cause de nous et qu’il puisse passer des nuits tranquilles.

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Seigneur, protégez nos doutes, car le Doute est une faí§on de prier. C’est lui qui nous fait grandir, parce qu’il nous oblige de regarder sans peur les différentes réponses í  une seule question. Et pour que tout cela soit possible,

Seigneur, protégez nos décisions, parce que la Décision est une faí§on de prier. Donnez-nous le courage pour, qu’après le doute, nous soyons capables de choisir entre un chemin ou un autre. Que notre OUI soit toujours un OUI, et que notre NON soit toujours un NON. Qu’une fois le chemin choisi, nous ne regardions jamais derrière nous, ni ne laissions notre í¢me rongée par le remords. Et pour que cela soit possible,

Seigneur, protégez nos actions, parce que l’Action est une faí§on de prier. Faites que notre pain de ce jour soit le fruit du meilleur que nous portons en nous. Qu’on puisse, grí¢ce au travail et l’Action, partager un peu de l’amour que nous recevons. Et pour que cela soit possible,

Seigneur, protégez nos ríªves, parce que le Ríªve est une faí§on de prier. Faites que, indépendamment de notre í¢ge, nous soyons capables de maintenir la flamme sacrée de l’espoir et de la persévérance dans nos cÅ“urs. Et pour que cela soit possible,

Seigneur, donnez-nous toujours l’enthousiasme, parce que l’Enthousiasme est une faí§on de prier. C’est lui que nous lie aux Cieux et í  la Terre, aux hommes et aux enfants, et nous dit que le désir est important et qu’il mérite notre effort. C’est lui qui nous affirme que tout est possible si nous sommes totalement impliqués dans ce que nous faisons. Et pour que cela soit possible,

Seigneur, protégez-nous, car la Vie est notre seul moyen de manifester Votre miracle. Que la terre continue en transformant la graine en blé, que nous continuons í  transformer le blé en pain. Et cela n’est possible que si nous avons l’Amour – ainsi, ne nous laissez jamais seuls. Donnez-nous toujours votre compagnie, et la compagnie des hommes et des femmes qui ont des doutes, qui agissent, qui ríªvent, qui s’enthousiasment, et qui vivent chaque jour comme s’il était dédié í  Votre gloire.

Amen.

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Je crois que mon texte peut íªtre lu en plus ou moins trois minutes. Eh bien: selon les statistiques, pendant ce lapse de temps 300 personnes vont mourir et 620 autres naí®tront.

Peut-íªtre vais-je prendre une demi-heure pour l’écrire : je me concentre sur mon ordinateur, avec des livres í  cí´té de moi, des idées dans ma tíªte, le paysage défilant dehors. Tout paraí®t absolument normal autour de moi, pourtant, pendant ces trente minutes 3 000 personnes mourront, et 6 200 personnes, viennent de voir, pour la première fois, la lumière du monde.

Oí¹ sont ces milliers de familles qui viennent de commencer í  pleurer la perte de quelqu’un, ou de rire avec l’arrivée d’un fils, d’un petit-fils, d’un frère ?

Je m’arríªte et je pense un peu : peut-íªtre que beaucoup de ces morts sont arrivés au bout d’une longue et douloureuse maladie, et que certaines personnes sont soulagées par l’Ange qui est venu les emporter. De míªme, certainement, des centaines d’enfants qui viennent de naí®tre seront abandonnés la minute suivante, et passeront aux statistiques des morts avant míªme que je termine mon texte.

Quelle affaire. Une simple statistique, que j’ai vue par hasard – et soudainement, je sens ces pertes et ces rencontres, ces sourires et ces larmes. Combien de personnes partent de cette vie seules, dans leurs chambres, sans que personne ne se rende compte de ce qui se passe ? Combien naí®tront cachés et seront abandonnés í  la porte d’asiles et de couvents ?

Je pense : j’ai déjí  fait partie des statistiques des naissances, et un jour je serai inclus dans le nombre des morts. C’est bien : je suis tout í  fait conscient qu’un jour je vais mourir. Depuis que j’ai fait le chemin de Saint-Jacques, j’ai compris que – malgré le fait que la vie continue, et que nous sommes tous éternels – cette existence finira un jour.

Les personnes pensent très peu í  la mort. Elles passent leurs vies préoccupées avec des vraies absurdités, remettant í  plus tard, laissant de cí´té des moments importants. Elles ne risquent pas car elles pensent que c’est dangereux. Elles réclament beaucoup, mais agissent comme des lí¢ches au moment de prendre des décisions. Elles veulent que tout change, mais refusent elles-míªmes de changer.

Si elles pensaient un peu plus í  la mort, elles ne manqueraient jamais de passer le coup de fil qui manque. Elles seraient un peu plus folles. Elles n’auraient pas peur de la fin de cette incarnation – parce qu’on ne peut pas avoir peur de quelque chose qui se produira de toute faí§on.

Les indiens disent : « Aujourd’hui c’est un jour aussi bon que n’importe quel autre pour quitter ce monde ». Et un sorcier a commenté une fois : « que la mort soit toujours assise í  tes cí´tés. Ainsi, quand vous devrez faire des choses importantes, elle vous donnera la force et le courage nécessaires. »

J’espère que toi, lecteur, es arrivé jusqu’ici. Ce serait une bíªtise de s’apeurer avec un tel sujet, car nous tous, tí´t ou tard, mourrons. Et seul celui qui accepte cela est príªt í  vivre.

Le prochain texte sera mis en ligne le 29 Mai 2006

P.S: Cher lecteur,

Pendant ce cheminement, qui remplit mon í¢me d’expériences très intéressantes, un des moments les plus magiques c’est lorsque, le soir venu, je lis les commentaires sur le blog. Míªme si je ne peux pas vous répondre í  tous, je veux que vous sachiez qu’il est très important pour moi de savoir que je ne suis pas seul sur ce chemin. Merci beaucoup de votre soutien et pour les mots et les idées qui maintenant sont inscrites dans mon coeur.

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