Paulo Coelho

Stories & Reflections

Je t’aime comme une rivière

Author: Paulo Coelho


 
un extrait du livre ALEPH

Je constate que Hilal, í  cí´té de moi, commence í  se sentir mal í  l’aise.
« Les relations des vies passées ne m’intéressent pas. Nous sommes ici dans le présent. í€ Novossibirsk, tu m’as demandé le pardon, et je te l’ai accordé. Maintenant je te le demande : dis que tu m’aimes. »

Je lui prends la main.
« Tu vois cette rivière devant nous ? Eh bien, dans le salon de mon appartement, il y a un tableau avec une rose posée sur une rivière semblable í  celle-ci. La moitié de la peinture a été attaquée par les eaux et par les intempéries, de sorte que les bords sont irréguliers ; pourtant, je vois encore une partie de la belle rose rouge, peinte sur un fond doré.

« Je connais l’artiste. En 2003, nous sommes allés ensemble dans une foríªt des Pyrénées, nous avons découvert le ruisseau qui a ce moment-lí  était í  sec et nous avons caché la toile sous les pierres qui couvraient son lit.
« Cette artiste, c’est ma femme. En ce moment, elle est physiquement í  des milliers de kilomètres, elle dort parce que le jour ne s’est pas encore levé dans sa ville, alors qu’ici il est déjí  quatre heures de l’après-midi.
“Nous sommes ensemble depuis plus d’un quart de siècle : quand je l’ai rencontrée, j’ai eu la certitude absolue que notre relation ne marcherait pas. Les deux premières années, j’étais toujours préparé í  ce que l’un des deux s’en aille.
« Les cinq années suivantes, j’ai continué í  penser que nous nous étions simplement habitués l’un í  l’autre, mais que bientí´t nous en prendrions conscience et chacun suivrait son destin. Je m’étais convaincu que tout engagement plus sérieux me priverait de ma “libert锝 et m’empíªcherait de vivre tout ce que je désirais.

“” Je comprends et je respecte, dit Hilal. Mais tu as dit une phrase au restaurant, quand tu parlais du passé : l’amour est le plus fort. L’amour est plus grand qu’une personne.
“” Oui, mais l’amour est fait de choix.

Nous regardons la rivière ensemble.

« L’absence de réponse est aussi une réponse », remarque-t-elle.
Je la serre contre moi et pose sa tíªte sur mon épaule.

« Je t’aime. Je t’aime parce que toutes les amours du monde sont comme des rivières différentes coulant vers un míªme lac, oí¹ elles se rencontrent et se transforment en un amour unique qui devient pluie et bénit la terre.

« Je t’aime comme une rivière, qui crée les conditions pour que la végétation et les fleurs poussent sur son passage. Je t’aime comme une rivière, qui donne í  boire í  celui qui a soif et transporte les gens jusqu’oí¹ ils veulent arriver.

« Je t’aime comme une rivière qui comprend que son cours doit íªtre différent dans une cataracte et apprend í  se calmer dans une dépression du terrain.

“Je t’aime parce que nous sommes tous nés au míªme endroit, í  la míªme source, qui continue í  nous alimenter d’une eau toujours plus abondante. Ainsi, quand nous sommes faibles, nous n’avons rien d’autre í  faire qu’attendre un peu. Le printemps revient, les neiges de l’hiver fondent et nous remplissent d’une énergie nouvelle.

« Je t’aime comme une rivière qui commence solitaire et fragile dans une montagne, grossit peu í  peu et rejoint d’autres rivières qui s’avancent, et puis, í  partir d’un moment déterminé, peut contourner tous les obstacles pour arriver lí  oí¹ elle le désire.

« Alors, je reí§ois ton amour et je t’offre le mien. Pas l’amour d’un homme pour une femme, pas l’amour d’un père pour une fille, pas l’amour de Dieu pour ses créatures. Mais un amour sans nom, sans explication, comme une rivière qui ne peut pas expliquer son parcours, seulement aller de l’avant.

« Un amour qui ne demande rien et ne donne rien en échange, mais se manifeste simplement.
“Je ne serai jamais í  toi, tu ne seras jamais í  moi, pourtant je peux dire : je t’aime, je t’aime, je t’aime. »

C’était peut-íªtre l’après-midi, c’était peut-íªtre la lumière, mais í  ce moment-lí  l’Univers paraissait enfin entrer en harmonie. Nous sommes restés lí  assis, sans la moindre envie de retourner í  l’hí´tel, oí¹ Yao devait déjí  m’attendre.

un extrait du livre ALEPH

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