Paulo Coelho

Stories & Reflections

Les mots sont des larmes qui ont été écrites

Author: Paulo Coelho

03 FL-Tunisie Tunis, Tunisie – Avril 2006, Salon du Livre:

La conversation continue, le temps passe rapidement et je dois terminer la causerie. Je choisis au hasard, au milieu de six cents personnes, un homme d’í¢ge moyen, qui porte une grosse moustache, pour la dernière question.
« Je ne veux poser aucune question, dit-il. Je veux seulement prononcer un nom. »
Et il donne le nom d’une petite église í  Barbazan-Debat, qui se trouve au milieu de nulle part, í  des milliers de kilomètres de cet endroit, et oí¹ j’ai posé un jour une plaque en remerciement d’un miracle. C’est le nom de l’église oí¹ je suis allé, avant cette pérégrination, demander í  la Vierge de protéger mes pas.
Je ne sais plus comment poursuivre la conférence. Les mots suivants ont été écrits par l’un des présentateurs qui composent la table :

« Soudain l’Univers semblait s’íªtre arríªté dans cette salle.
Tant de choses se sont produites : j’ai vu vos larmes. J’ai vu les larmes de votre douce femme, quand ce lecteur anonyme a prononcé le nom d’une chapelle perdue quelque
part dans le monde.

« Vous íªtes resté sans voix. Votre visage souriant est devenu sérieux. Vos yeux se sont remplis de larmes timides, qui tremblaient au bord des cils, comme si elles voulaient s’excuser d’íªtre lí  sans avoir été invitées.

« J’étais lí  moi aussi, sentant un nÅ“ud dans ma gorge, ne sachant pourquoi. J’ai cherché dans l’assistance ma femme et ma fille, c’est elles que je cherche quand je me sens au bord de quelque chose que je ne connais pas.
Elles étaient lí , mais elles avaient les yeux fixés sur vous, silencieuses comme tout le monde, tentant de vous soutenir du regard, comme si les regards pouvaient soutenir un homme.

« Alors, j’ai voulu me fixer sur Christina, appelant au secours, essayant de comprendre ce qui se passait, et comment mettre fin í  ce silence qui paraissait infini.
J’ai vu qu’elle aussi pleurait, en silence, comme si vous étiez des notes de la míªme symphonie et que vos larmes í  tous deux se touchaient malgré la distance.

« Et durant de longues secondes, il n’y eut plus ni salle, ni public, plus rien. Vous et votre femme étiez partis quelque part oí¹ personne ne pouvait vous suivre ; il n’existait
que la joie de vivre, racontée seulement par le silence et l’émotion.

« Les mots sont des larmes qui ont été écrites. Les larmes sont des mots qui ont besoin de couler. Sans elles, aucune joie n’a d’éclat, aucune tristesse n’a de fin. Alors, merci pour vos larmes. »

J’aurais dí» dire í  la jeune fille qui avait posé la première question – au sujet des signes – que c’en était un, affirmant que je me trouvais í  l’endroit oí¹ je devais íªtre, au bon moment, míªme si je n’ai jamais bien compris ce qui m’y a conduit.

un extrait de mon livre ALEPH

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